Plates-bandes comestibles

L'importance du sol

L'importance du sol

L'importance du sol

En culture conventionnelle, le sol est souvent considéré comme un simple support pour les plantes. Labouré et compacté régulièrement avec de la machinerie lourde, ces méthodes culturales détruisent sa structure et son écosystème. En plus d'être cultivées en monoculture, les plantes sont alimentées et entretenues avec des produits de synthèse nocifs pour l’environnement.

La réussite d’une culture écologique/biologique/naturelle quant à elle, est grandement basée sur sa diversité végétale, ainsi que sur la qualité du sol et des intrants naturels utilisés. Les interventions au sol, effectuées à l’implantation du potager, visent à incorporer des amendements naturels (compost, chaux, basalte, argile, etc.) pour rapidement en améliorer la structure, la texture et la biologie. Dans un tel système naturel comme en forêt, c’est la microfaune du sol (bactéries, champignons, insectes, vers de terre, etc.) qui dégrade la matière organique pour la rendre assimilable aux plantes. Le sol agit un peu comme un garde-manger, renfermant tout le contenu nécessaire à la bonne croissance des végétaux. La plante peut donc puiser ses nutriments strictement en fonction de ses besoins. 

On dit qu’un gramme de sol sain peut contenir jusqu’à un milliard d’organismes vivants, tels que les vers de terre, les mille-pattes, les acariens, les nématodes, les bactéries, les champignons et les algues microscopiques. Fourcher, labourer, rotoculter, biner, utiliser une herse rotative, même une grelinette ou encore piétiner le sol, c’est en fait créer un tremblement de terre pour cette précieuse vie qui travaille pour nous! À chaque intervention mécanique faite au sol, on ralentit considérablement son évolution.

Bref, en limitant son travail, on laisse sa biodiversité travailler pour nous et faire croître des plantes potagères productives, robustes et résistantes aux insectes et aux maladies. Plus le sol sera vivant et nourri en surface et plus le jardin sera productif.

Utiliser un sol importé de qualité

Les bacs surélevés permettent de jardiner confortablement sans se pencher. Si on opte pour ce type d’aménagement, l’idéal est qu’il soit connecté au sol existant pour permettre à la vie du sol d’y entrer aisément, ainsi qu’aux racines des plantes potagères d’aller puiser de l’eau et des minéraux en profondeur au besoin. Par contre,  le sol est parfois impropre à la culture ou envahi de racines d’arbres ou d'arbustes. Dans de tels cas, il  faut choisir d’affranchir le potager surélevé du sol existant en installant un géotextile épais sous le bac. 

Pour remplir un bac surélevé, il est préférable de choisir une terre à plantation de qualité, enrichie de compost, exempte de mauvaises herbes et présentant un pH neutre. De cette façon, on assure une grande productivité dès la première année. C’est avec le temps et l’ajout de matière organique en surface que la vie du sol prend place dans cette terre créée de constituants d'origine naturelle, mais nouvellement arrivée au jardin.

Prenez garde! Un sol acheté dont l’origine et les constituants sont nébuleux, communément appelé "top soil"’ ou "terre noire", n’est pas un choix idéal. Ces sols de piètre qualité peuvent contenir des contaminants, des graines ou des racines d'adventices (mauvaises herbes) très vigoureuses, ainsi qu’un pH inconnu. Bien qu’ils soient utiles pour remplir un trou dans le gazon ou pour remblayer un terrain qui recevra un ouvrage en matériaux inertes (stationnement, terrasse en bois, etc.), ces sols ne sont pas suffisamment intéressants pour assurer une bonne culture potagère. Si on opte tout de même pour ce type de sol, il faut analyser son pH, sa texture, sa structure et voir ce qu’il contient comme racines et semences de mauvaises herbes. Idéalement, puisque  l’origine de ce type de sol n’est pas connue, il faut procéder à un test environnemental pour s’assurer que le sol soit sain pour une culture à des fins alimentaires. Enfin, le rapport temps/quantité/prix d'un tel sol n’en vaut souvent pas la chandelle.

Travailler le sol existant

Il s’agit de la solution la plus économique et la plus écologique. À l’exception d’un sol contaminé, peu profond ou envahi de racines d’arbres ou d’arbustes, tous les types de sols peuvent être travaillés afin d’obtenir un sol idéal pour la culture, c’est-à-dire, riche en matière organique, aéré, au pH neutre, enrichi et à la chimie équilibrée. Par exemple, la majorité des sols des Laurentides sont acides et souvent sableux, alors que dans la grande région de Montréal, les sols sont plutôt alcalins et argileux. 

Pour bien travailler son sol, trois variables sont à surveiller : le pH du sol, sa texture et sa structure. Dans tous les cas, un sol peut être amélioré pour atteindre rapidement l’idéal. Pour ce faire, il faut d’abord analyser ces variables afin de connaître leurs conditions initiales. Voyons-les un peu plus en détail.

Le pH du sol 

Le potentiel d’hydrogène (pH) est la mesure d’acidité ou d’alcalinité d’une solution. En dessous d’un pH de 7, on dit d’un sol qu’il est acide, alors qu’au-dessus il est alcalin. Rappelons que les plantes potagères préfèrent un sol neutre. Lorsque le sol ne l’est pas, les micro-organismes du sol sont au ralenti et l’assimilation des minéraux se fait difficilement pour les plantes potagères annuelles.

Pour la création d’un potager, il est donc impératif de connaître cette valeur et de la rectifier au besoin. Un sol acide peut être amendé avec de la chaux dolomitique en poudre (pierre calcaire pulvérisée) ou avec de la cendre de bois. Un sol trop alcalin peut être amendé avec du soufre ou de la mousse de tourbe. Une fois rectifié, l’ajout annuel de paillis de feuillus (BRF) et de compost tend à maintenir le pH au niveau neutre. Il est tout de même conseillé de vérifier le pH aux 2-3 ans, surtout si la productivité du potager semble décliner.

La texture du sol

Un bon sol est généralement composé de matière organique (35 %), de matière minérale (20 %), d’eau (20 %), d’air (20 %) et du vivant (5 %). Dans la proportion minérale, on retrouve cinq composantes, classées selon leur granulométrie (mesure de la grosseur de particules), soit la pierre, le gravier, le sable, le limon et l’argile. La texture d’un sol se définit par sa teneur en argile, en limon et sable. Le sable est la particule la plus grosse alors que l’argile est la plus fine, le limon se situe entre les deux. 

Un sol ayant une texture idéale pour la culture se nomme un "loam". C’est-à-dire que sa composition en sable, limon et argile est en proportions égales. Les situations extrêmes apportent différentes problématiques. Un sol sableux, par exemple, est drainant et retient peu l’eau ainsi que ses éléments nutritifs. Toutefois, il offre une bonne aération pour les racines et ses micro-organismes. À l’opposé, un sol argileux retient trop l’eau, présente une mauvaise aération du sol, et se compacte davantage au printemps, alors qu’il est détrempé. Ceci dit, il est possible de faire l’analyse de texture maison suivante afin d’ajouter au sol des intrants naturels pour l’optimiser, créer une texture loameuse et maximiser sa productivité. En maraîchage biologique, on appelle cela ‘’amender un sol’’.

Test de texture de sol maison 

Mettre 2 tasses de sol sec, réduit en poudre au besoin, dans un pot masson de 1 litre, puis ajouter de l’eau jusqu’au collet. Y déposer deux c. à thé de sel de table, agiter vigoureusement le mélange pendant 2 minutes, puis le laisser reposer pendant 24 heures.

Après 24 heures, les différents constituants se déposent et on peut noter une séparation des différentes particules de sorte qu’il est possible de les identifier. Le sable plus lourd et plus grossier se dépose au fond, suivi du limon, de l’argile et de l’eau. Calculer alors le pourcentage de chacun des éléments pour pouvoir caractériser la texture du sol à l’aide du tableau suivant. Noter qu’il est possible d’avoir 2 et même 1 seul constituant (sable,limon, argile).

 

  • Pour calculer un %, mesurer la hauteur totale des particules déposées au fond de l’eau. Cela représente 100% du contenu, Ex: 10 cm. 
  • Ensuite mesurer la hauteur des différents constituants. Ex.: Sable 5 cm / Limon 3 cm / Argile 2 cm. On doit arriver à 10 cm en les additionnant
  • Ensuite calculer le % de chacun. 100% = 10 cm. Ex.: Sable 5/10 = 50% / Limon 3/10 = 30% / Argile 2/10 =20%.
  • Analyser le tableau pour déterminer la texture du sol. Ici, c’est un sol loameux.

 

% de sable

% de limon

% d’argile

Sols sableux

70 et +

0-30

0-15

Sols limoneux

0-20

80 et +

0-15

Sols argileux

0-45

0-40

25 et +

Sols loameux

40-60

30-50

15-25

Test et tableau tiré du livre Mon potager Santé, MICHAUD.Lili, p.97 

La structure du sol

La structure est la façon selon laquelle s’arrangent naturellement et durablement ces particules élémentaires (sable, limon, argile) en formant ou non des agrégats, appelés colloïdes. Ceux-ci sont liés entre eux grâce à l’humus, à l’argile et à la biologie du sol. Une bonne structure est dite. Elle ressemble un peu à du couscous grossier et irrégulier. Elle influence positivement le drainage, l’oxygénation, l’enracinement des plantes, ainsi que la rétention en eau, en nutriments et en minéraux du sol.

À l'implantation du sol d’un potager, il faut automatiquement pallier le manque de matière organique en ajoutant du compost, ainsi que de l’argile en poudre et de la terre, si le sol est de texture sablonneuse.

À la jardinerie Croque Paysage nous offrons un service d’analyse de pH et de texture accompagné de recommandations. Un test de texture maison peut également être réalisé à la maison. Consulter la section outil pour en obtenir la procédure. Il est aussi possible de trouver des outils d’analyse de pH maison disponibles en jardinerie, mais ils sont moins précis. Autrement, l’analyse agricole complète faite en laboratoire est souvent offerte, avec des délais d’une à deux semaines.

Recette Croque Paysage pour optimiser le sol existant

En travaillant avec les intrants naturels suivants, on améliore rapidement les propriétés du sol et son écosystème. 

Mélanger au sol existant à l'aide d'une fourche à bêcher:

Produit

Quantité

Origine

Impact positif

Compost

5 cm (2 po)

Constituants naturels

Texture, structure, fertilité, rétention d’eau, vie du sol

Basalte

200g/m² (20g/pi²)

Minerai naturel

Texture, structure, rétention d’eau, productivité

Argile bentonite (sauf si le sol est loameux ou argileux)

500g/m² (50g/pi²)

Minerai naturel

Texture, structure, rétention d’eau, productivité

Engrais marin

100g/m² (10g/pi²)


Engrais biologique

Apport en calcium, en oligo-élément; productivité

Biochar

300g/m² (30g/pi²)

Bois pyrolisé

Structure, enracinement, productivité

Chaux dolomitique (si le sol est acide) / Soufre (si le sol est alcalin)

Selon le résultat de pH

Minéral

Modifie le pH du sol pour le neutraliser.

Terre à plantation enrichie (si le sol est sableux)

5 cm (2 po)

Constituants naturels

Texture, structure, f

Maintenir la fertilité du sol

Une fois l’optimisation du sol existant et/ou l’installation d’un sol importé de qualité terminées, on ne doit plus jamais le travailler, mais plutôt continuer à l’amender et le fertiliser en surface pour ne pas perturber la vie du sol. 

L’ajout de paillis de feuillus, de compost et de fumier de poule granulaire permettent aux  micro-organismes de s’installer au fil du temps.

Après avoir amendé le sol existant, déposer en surface du sol amendé :

  • La terre à plantation enrichie dans le cas d’un potager surélevé ou d'un sol sablonneux de plate-bande (différentes quantité selon la hauteur).
  • 200 g/m² (20 g / p²) de fumier de poule en granules
  • Potager : 2.50 cm (1 po) de paillis de feuilles. Plate-bande de vivaces : 7.50 cm (3 po) 

 

Description des amendements

Le compost

Le compost est l’amendement par excellence communément appelé "or noir" en maraîchage biologique. C'est le résultat de la décomposition de matière organique carbonée sèche (paille, copeaux de bois, feuilles mortes, etc., communément appelés résidus bruns) et azotée (déchets de table, coupure de gazon, feuillage vert, etc., communément appelés résidus verts). Bien composté, il a une bonne odeur de sous-bois et ressemble à de la terre très foncée. Dans une forêt riche de feuillus, la matière organique carbonée et azotée (branches, feuilles, déjections animales) tombe au sol, est dégradée en compost par les champignons et les bactéries et est ensuite assimilable par les plantes. Le compost domestique ou acheté en jardinerie est créé en imitant ce processus dans les meilleures conditions pour un rapport carbone/azote idéal. On dit qu’un compost jeune, aussi appelé demi-mûr, peut être créé en 2 à 4 mois, alors qu’un compost mûr est créé en 4 à 8 mois. Les déchets initiaux ne sont alors plus reconnaissables.

Le paillis de feuillus (BRF)

En plus d’absorber l’eau de pluie, d’empêcher l’érosion du sol par le vent et l’eau, de réduire la germination potentielle de semences de mauvaises herbes et de réguler la température du sol, comme le fait un paillis de cèdre conventionnel, le paillis de feuillus communément appelé BRF (bois raméal fragmenté de feuillus) constitue un amendement organique idéal puisqu’il stimule la vie du sol et augmente sa fertilité en se décomposant. Il est produit à partir de rameaux (petites branches) d’arbres ou d’arbustes de moins de 8 cm (3 po) de diamètre, où l’on retrouve la partie la plus active et riche en nutriments.

Dans une optique de non travail du sol, le paillis de feuillus est un bon allié pour recouvrir toute la surface de ce dernier, tant dans les sentiers que sur les planches de cultures du potager. Déposé sur un bon apport d’azote à libération lente en surface du sol, tel que le fumier de poule granulaire, il se décompose tranquillement en compost directement sur place et attire les champignons et bactéries bénéfiques, mimant un sol forestier riche de feuillus.

Il est conseillé de recouvrir le potager de paillis de feuillus en surface à son implantation, puis d'ajouter une dose d’entretien tard à l'automne, toujours après avoir appliqué la dose de fumier de poule granulaire recommandée.

Attention l’utilisation d’un paillis de conifères tels que les paillis de cèdre sont à proscrire pour le potager. La décomposition des conifères est très lente car elle ne favorise pas l’installation rapide de la biologie du sol. Aussi, sa dégradation acidifie le sol. Finalement, la plupart de ces paillis ornementaux sont colorés chimiquement, ce qui est proscrit en culture maraîchère biologique. 

Le fumier de poule granulaire

Directement en surface du potager, on cherche à créer naturellement un processus de compostage avec l’utilisation de fumier de poule granulaire (matière azotée) et de paillis de feuillus par-dessus (matière carbonée).

Contrairement à l'image mentale que l'on se fait du fumier, excrément brun, frais, malodorant (comme le fumier frais de mouton disponible en sac par exemple), le fumier dont il est question a un aspect plus facile d’utilisation. Il s'agit d'une matière déshydratée, granuleuse (3-6 mm), peu odorante. Elle ressemble à de la nourriture pour lapin! C’est un engrais azoté accessible largement utilisé en maraîchage biologique. Il est peu coûteux, de source naturelle et renouvelable, sans ajout d'aucun genre (produit de synthèse, boue d'égout, etc.) et riche en éléments nutritifs nécessaires à la croissance des végétaux.

On l'utilise comme fertilisation mensuelle ou bimensuelle des plantes légumières gourmandes à très gourmandes. On le dépose en surface avant le paillis de feuillus (BRF) à la création initiale du potager, ainsi qu'à chaque automne avant la dose d'entretien de BRF.

La faim d'azote

C'est un phénomène qui se produit lorsque les plantes n'ont plus accès à l'azote du sol, dû à un débalancement des éléments nutritifs. L'azote est l'élément principal et essentiel à la croissance des plantes. Une carence en cette dernière se remarque par un feuillage jaunâtre, une perte de croissance du plant et une absence de récolte. Lors du processus de décomposition, les champignons et les bactéries du sol ont besoin d'azote (N) pour digérer le carbone (C) et vice-versa. Cet équilibre d'éléments chimiques nommé "ratio carbone/azote" (C/N) permet une activité microbienne très dynamique.

Dans la situation où une trop grande quantité de matière carbonée (bois, feuilles mortes, paillis, paille) est ajoutée au sol, le ratio demande à être ré-équilibré. En effet, l'azote dans le sol est alors utilisé par le paillis au détriment des plantes, ce qui leur cause une carence induite : l'azote est alors inaccessible pour les végétaux. Pour éliminer ce problème, un simple ajout de matière azotée au sol vient équilibrer le ratio C/N. Par exemple, un fertilisant riche en azote tel que le fumier de poule granulaire, ajouté en même temps qu'un paillis de feuillus (matière carbonée) en surface, octroie à ce dernier l'azote nécessaire et élimine ce problème dès le début.

Brûlure à l'azote

Le fumier de poule granulaire doit être mis partout en surface, et autour des plantes en contexte de fertilisation d’appoint, mais ne doit pas toucher directement les plantes car il est si puissant qu’il peut les brûler. Déposer le fumier à 1.25 cm (0.5 po) autour des tiges des plantes est donc prescrit.

Vous aurez compris par le présent article qu'un bon jardinier en agriculture biologique désirant obtenir années après années des récoltes abondantes et de qualité portera autant d'attention à ses cultures potagères qu'à son sol. Nous vous conseillons d'ailleurs de visionner le documentaire québécois "Humus" dans lequel la thématique de la préservation du sol vivant y est abordé. 

Bon jardinage et au plaisir de cultiver l'abondance avec vous!

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